Pourtant, s'il fallait n'en retenir qu'une, c'est assurément la saison 2018 (en janvier et février) qui resterait dans les mémoires des participants aux deux circuits "Ennedi" que nous avons proposés.
En sortant des chemins battus, nous avons ainsi pu découvrir de nouvelles et magnifiques gravures de personnages qui viennent s'ajouter à celles bien connues de Niola Doa. Outre leurs qualités tant esthétiques qu'historiques, ces gravures montrent d'une part que le domaine d'existence de ce type d'image n'est pas confiné à la zone répertoriée jusque là et, d'autre part, que le patrimoine rupestre est loin d'être connu en intégralité. De nombreux autres abris ornés de peintures originales ont été étudiés lors de ces sept semaines sur le terrain.
Pour autant, ce n'est pas seulement dans ce domaine, l'art rupestre, que se situent les faits marquants de la saison. Deux découvertes archéologiques majeures sont venues bonifier des séjours déjà bien remplis par ailleurs. Nous avons eu la chance, suite à une petite erreur de navigation, de découvrir un site de surface très important, par son contenu comme par son étendue. De nombreux artefacts dont des éléments de parure (bracelets, bagues, boucle d'oreille), des tessons de poterie et une multitude d'ossements tapissent un creux interdunaire à proximité d'un –ancien – cours d'eau et d'une zone marécageuse. Une mâchoire, identifiée comme provenant d'un bovin domestique est susceptible de nous en apprendre plus sur (l'introduction de) l'élevage au Tchad.
Un autre jour nous avons traversé une zone couverte de broyeurs, de meules, poteries au milieu desquels figurait un magnifique récipient ovaloïde, finement bouchardé sur ses deux faces et portant sur sa périphérie un bourrelet très régulier. Quelques unes de ces pièces ont été déposées au Musée National à N'Djaména.
Enfin et ce n'est pas la plus anodine des nouveautés, grâce à notre guide nous avons pu observer des empreintes pour le moins étonnantes, de nos jours au Sahara. La tendance générale, sous l'effet du réchauffement climatique et du fait de l'emprise humaine sans cesse croissante sur la planète, est plutôt à la disparition des espèces et à une perte de biodiversité. C'est dire combien il était inattendu, voire totalement improbable, d'observer des empreintes d'autruches (datant du matin même) en plein désert, dans l'extrême Est du massif de l'Ennedi.
En effet, à l'exception des zones sahéliennes, cette espèce a été éradiquée du sol tchadien par une chasse intensive. Découvrir une petite population relicte (six individus au total), dans une zone aussi septentrionale est une divine surprise, pour ceux qui l'ont vécu mais aussi et surtout pour les spécialistes de la faune saharienne et/ou des espèces en voie de disparition.Une courte expédition, organisée en mai dernier par des scientifiques d'African Parks, a permis à ceux-ci de confirmer visuellement la présence de ces autruches à cou rouge.
Plus globalement, durant ces deux circuits, nous avons eu aussi l'opportunité de croiser la route d'espèces assez variées avec des dizaines de gazelles, trois hyènes qu'il est inhabituel de voir pendant la journée, des centaines de pintades, des perdrix, des phacochères, des oryctéropes … tous cela dans des paysages à couper le souffle et renouvelés en permanence.Bref, un bilan assez exceptionnel qui laisse entrevoir les réelles richesse de ces provinces éloignées et qui nous encourage à persister dans la voie adoptée jusque là, à savoir, organiser des circuits mélangeant tourisme classique et exploration avec une subtile balance entre archéologie, faune et flore.
C'est pourquoi nous vous proposons cette année trois circuits, très différents les uns des autres et qui renouvellent les offres antérieures en les complétant, chacun dans un secteur géographique différent :
a - Le Nord-Est du Tibesti (plaine d'Ouri) ;
b - Le Borkou avec une équipe de scientifiques de l'IRD pour étudier des cratères d'impacts de météorites et des sédiments lacustres en liaison avec des habitats anciens ;
c - L'Ennedi, circuit au cours duquel on passera peut-être quelques jours avec des archéologues pour étudier un des sites trouvés en début d'année.
Yves Gauthier